



On joue en science et techno
Jeu et apprentissage
Lorsqu’on pense au jeu en lien avec l’apprentissage, plusieurs questions peuvent se poser…
Est-ce que, comme le dit l’adage, on apprend mieux en s’amusant ?
Est-ce que le fait d’utiliser le jeu comme une activité d’apprentissage dénature le jeu ?
Est-ce que le fait d’imposer le jeu et de le faire dans une visée éducative s’oppose à la nature même du jeu qui implique la décision et la liberté de jouer ainsi qu’une certaine frivolité ?
Bref, est-ce qu’on peut vraiment jouer pour apprendre ?
Non seulement les réponses à ces questions varient d’un auteur à l’autre, mais dans le cas où l’on suppose une relation entre jeu et apprentissage, il existe également différentes façons de concevoir la nature de cette relation. Ainsi, on peut considérer le jeu comme «un vecteur d’apprentissage (on apprend par le jeu), comme un contexte de l’apprentissage qui conduit à mettre plutôt l’accent sur son contenu (on apprend dans le jeu) ou comme une simple condition favorisant l’apprentissage (on apprend autour du jeu ou le jeu permet d’être plus disponible aux apprentissages)» (Bédard et Brougère, 2010). Dans le cadre de notre projet, nous avons généralement considéré le jeu comme un contexte d’apprentissage et mis l’accent sur le contenu, mais certains jeux pourraient être plutôt considérés comme des conditions favorisant l’apprentissage.
Tentons d’abord de répondre à la question concernant la possibilité ou non d’un apprentissage par le jeu en classe et, pour ce faire, étudions d’abord la notion même du jeu utilisé dans un contexte scolaire.
Le jeu à visée éducative
Évidemment, le jeu à visée éducative et le jeu utilisé comme activité d’apprentissage en classe dérogent à la définition classique du jeu. Toutefois, il est possible pour ceux-ci de conserver plusieurs caractéristiques des «vrais» jeux. D’ailleurs, Legendre (1993), cité par Caissie (2007), décrit cinq caractéristiques du jeu éducatif. Ces caractéristiques (la présence d’un élément de conflit, un ensemble de règles, une fin, un aspect d’artifice et la détermination d’un objectif d’apprentissage) ressemblent en tous points aux caractéristiques des jeux «véritables», si ce n’est de la détermination d’un objectif d’apprentissage. Par ailleurs, comme le souligne Berry (2011), les enfants ne sont pas dupes et reconnaissent les intentions didactiques des jeux, mais peuvent tout de même y voir un moyen de se distraire et une source de motivation s’ils ont l’impression de jouer pour jouer et gagner plutôt que pour apprendre (Caissie, 2007). Bref, les jeux utilisés en classe ne peuvent pas être réellement définis comme jeux, mais en conservent toutefois certaines caractéristiques. Même si les élèves reconnaissent l’intention didactique de ces jeux, il en demeure que plusieurs impacts positifs des jeux sur l’apprentissage ont été étudiés.
Jeu et socialisation
D’abord, dans leur étude, Sauvé et al. (2007) concluent à partir de leur analyse que «les jeux aident à développer des habiletés de coopération, de communication et de relations humaines». En considérant que la socialisation est l’une des trois missions de l’école telles que définies dans le programme de formation de l’école québécoise, c’est-à-dire que l’école a entre autres pour mission de contribuer «à l’apprentissage du vivre-ensemble» (Ministère de l’Éducation, 2006), il peut être intéressant pour les enseignants de songer à inclure le jeu dans leurs stratégies d’enseignement. Parmi les jeux que nous avons créés et répertoriés, plusieurs requièrent des élèves qu’ils collaborent et qu’ils interagissent avec leurs pairs et peuvent dont contribuer au développement d’habiletés sociales. D’autres jeux sont de type individuel, comme les jeux de bingo, mais il y a tout de même un esprit de compétition et la création de gagnants et de perdants, ce qui fait que les élèves peuvent tout de même développer leur capacité à gérer leurs émotions dans un contexte de compétition et leur capacité à être de «bons gagnants» et de «bons perdants».
Jeu et motivation
Ensuite, on peut dire qu’il est intéressant d’utiliser le jeu en classe afin de motiver les élèves. Comme le mentionne plusieurs auteurs, différentes facettes du jeu peuvent susciter l’intérêt des élèves et les amener à se mobiliser. Certains seront motivés par le sentiment de satisfaction lié à la possibilité de gagner le jeu, d’autres par l’excitation suscité par celui-ci, certains pourraient être motivés simplement par le plaisir éprouvé à jouer et d’autres encore par le défi et l’aspect compétitif du jeu. Non seulement le jeu semble-t-il avoir des conséquences positives sur la motivation et l’engagement des élèves dans la tâche, mais Caissie (2007) remarque une différence entre les jeux et les exercices semblables sur papier. En effet, elle souligne que même les jeux conçus comme des exerciseurs motivent davantage les élèves que les exercices eux-mêmes.
Jeu, synthèse et révision
Par ailleurs, Crawford (1999), tel que cité par Sauvé et al. (2007), mentionne que le jeu peut aider les élèves à évaluer leur degré d’acquisition et de maîtrise de la matière de par son côté révisionnel et de par le fait qu’il est possible de faire un retour, une synthèse avec les élèves après le jeu. Plusieurs des jeux que nous avons créés misent sur cet aspect des jeux. En effet, bon nombre des jeux créés peuvent avoir un meilleur impact lorsqu’utilisés comme activités de révision que s’ils sont utilisés pour découvrir les notions.
Conclusion
Bref, le jeu peut s’avérer un outil valable puisqu’il permet le développement d’habiletés sociales, contribue à motiver les élèves et peut aider ceux-ci à évaluer l’état de leurs connaissances. Ainsi, malgré la réticence fréquente des enseignants envers le jeu qu’ils considèrent comme une perte de temps, il pourrait être intéressant de l’intégrer à leur répertoire de stratégies d’enseignement, ne serait-ce qu’à petite dose pour y ajouter de la variété. Les jeux que nous avons créés et répertoriés ne peuvent qu’avoir un impact limité sur l’apprentissage des élèves. C’est pourquoi nous avons conçu notre projet en considérant toujours le jeu comme un complément intéressant à d’autres stratégies d’enseignement et d’apprentissage, surtout utile pour la révision de notions déjà acquises grâce à d’autres stratégies. Pour nous, le jeu est un bon moyen de motiver les élèves à réviser ou à s’exercer, de varier ses façons de faire et de contribuer à rendre la classe un peu plus amusante.
Références
Bédard, J. et Brougère, G. (2010). Jeu et apprentissage : quelles relations ? http://www.univ-paris13.fr/experice/wp-content/uploads/2015/02/formes_ludiques_formes_educatives.pdf
Berry, V. (2011). Jouer pour apprendre : est-ce bien sérieux ? Réflexions théoriques sur les relations entre jeu (vidéo) et apprentissage. La Revue canadienne de l’apprentissage et de la technologie, 37(2), 1-14. Récupéré de http://www.cjlt.ca/index.php/cjlt/article/view/606
Caissie, C. (2007). L’apport du jeu pour le développement de compétences en mathématique chez les élèves du premier cycle au secondaire. (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Montréal. Récupéré d’Archipel, l’archive de publications électroniques de l’UQAM http://www.archipel.uqam.ca/3305/
Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation. (2006). Programme de formation de l’école québécoise – Enseignement secondaire, premier cycle. http://www1.mels.gouv.qc.ca/sections/programmeFormation/secondaire1/pdf/chapitre001v2.pdf
Sauvé, L. Renaud, L. et Gauvin, M. (2007). Une analyse des écrits sur les impacts du jeu sur l’apprentissage. Revue des sciences de l’éducation, 33(1), 89-107. Récupéré de http://id.erudit.org/iderudit/016190ar
